IL LES APPELA "APOTRES"

"Prêchez l'Évangile" (Mc 16,15)

PHILIPPE (de la contemplation)
" Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit " (Jean 14,8)

Je suis l'homme des certitudes. Je veux arriver tout de suite à la conclusion, je n'aime pas de rester à penser, à évaluer, à considérer. Du moins j'étais ainsi. Des choses concrètes. C'a été la même chose lorsque Nathanaëlle me manifestait sa perplexité sur Jésus; je lui ai simplement dit: "Viens et vois". J'ai toujours aimé me rendre compte personnellement. Les choses rapportées sont toujours filtrées, elles ne sont pas authentiques. Je croyais ainsi que même Jésus me rapportait des choses filtrées quand il me parlait de son Père. Il en parlait si bien que seulement celui qui l'avait vu pouvait le faire. Mais moi, tout de même, je voulais voir.

Vouloir voir le Père On me l'a bien enseigné ce psaume qui dit: "Je cherche ton visage Seigneur; montre-moi ton visage ! Et moi j'en ai fait ma prière préférée. En se présentant l'occasion, j'ai fait cette demande à Jésus: "Montre-nous le Père". Ç'aurait été suffisant pour moi: je croyais qu'ensuite j'aurais été satisfait; j'aurais atteint le but.

Jésus. avec patience et stupeur s'étonna. "Depuis si longtemps je suis avec vous et tu ne m'as pas encore connu, Philippe?" "Celui qui m'a vu à vu le Père".
Je n'y comprenais plus rien. Mais quoi? Jésus en chair et os ne pouvait pas être le Père! Le Père c'est un esprit, il est dans les cieux, il n'a besoin ni de vêtements ni de pain! Le Père ne souffre ni le froid ni la chaleur! La réponse de Jésus ne me satisfaisait pas. Et cependant si le Maître disait ainsi, ce devait être vrai.

Je l'avais déjà vu le Père, sans le savoir, sans que je m'aperçoive de lui. La réponse de Jésus m'a laissé pensif: comment avais-je pu être aveugle? Et j'ai commencé sans me décourager une nouvelle recherche. En regardant Jésus, je tâchais de voir le Père. Il ne m'est resté que peu de temps, quelques heures, car cette nuit-là il a été livré. Mais j'ai eu l'occasion, par la mémoire, de revenir aux années précédentes, après qu'il m'avait dit: "suis-moi", ce qui avait changé mon existence.

Voici le résultat de mes observations: j'ais vu Jésus accueillir avec délicatesse et attention les enfants! C'était une nouveauté. Un homme cherche l'attention des adultes, de ceux qui peuvent l'honorer et le rendre important. Jésus, lorsqu'il rencontrait des enfants, les regardait avec tendresse. Voilà, j'ai vu alors en lui l'attitude du père: de lui le Prophète a dit: "Je les attirais avec des liens de bonté, avec des liens d'amour: j'étais pour eux comme celui qui soulève à sa joue un petit enfant". En regardant Jésus, j'ai vu le cœur tendre du Père penché sur chacune de ses créatures.


J'avais vu Jésus qui parlait à la foule avec sagesse. Il disait des paroles touchant le fond du cœur, dont on sentait la vérité profonde. Il n'était pas noces re d'avoir fait beaucoup de raisonnements pour se convaincre. Je tais et nous sentions que tout ce qu'il disait était vrai parce qu'il touchait mon expérience, la nôtre. Oui, les paroles de Jésus réalisaient tout ce que Dieu avait annoncé par la bouche de Jérémie.

Je mettrai ma loi dans leur esprit, je l'écrirai sur leur cœur ! Alors je serai leur Dieu et eux mon peuple".
En écoutant Jésus, j'entendais la voix du Père !

J'avais vu Jésus se pencher sur toutes sortes de malades, en avoir compassion, écouter leur cri d'espérance ou en avoir l'intuition avant qu'ils ne le formulent. Et de Jésus sortait une force qui guérissait tout le monde. J'avais vu Jésus mais j'avais observé ainsi de mes yeux la bonté du Père qui " a écouté les paroles de ma bouche " et qui "pénètre dé loin mes pensées" aussi bien qu'il connaît ma parole quand elle n'est pas encore sur ma langue',' comme je prie souvent avec les psaumes. J'avais observé la puissance et la bonté du Père qui bande les blessures et les guérit.

J'avais vu Jésus doux et conciliant avec les pauvres, mais dur et ferme avec les personnes superbes et intransigeantes. Maintenant seulement je me rends compte d'avoir vu en lui l'attitude du Père qui "regarde l'humble mais qui détourne son regard du superbe" (Ps 136,6).

J'avais vu et entendu Jésus donner l'annonce du pardon au paralytique et à l'adultère et je l'avais vu réconcilier le publicain Zachée avec les hommes et avec Dieu. Certainement j'étais en train de voir le Père qui pardonne la faute puisque même si vos péchés sont écarlates, ils deviendront blancs comme la neige". En regardant Jésus j'avais vu le Père!

Mais je l'ai bien mieux vu pendant les jours et les heures de sa passion et de sa mort. Quand je l'ai entendu adresser à Judas, au Gethsémani, le salut "ami" en se laissant embrasser par lui, alors j'ai vu le Père qui ne regarde pas les offenses et qui nourrit l'espoir jusqu'à la fin.

En contemplant Jésus sur la croix, ainsi que Jean me l'a décrit, en proie à la peur et à la déception - je n'avais pas eu le courage d'y aller - je peux contempler l'amour du Père, de ce père qui se donne tout entier pour le salut de ceux qui ne 1 'ont pas aimé, accueilli, obéi.

En regardant Jésus, j'avais vraiment vu le Père.
Le Père des cieux s'est laissé observer par tout le monde en Jésus. Le voile du temple s'est déchiré. Le visage du Père peut maintenant être contemplé par tout le monde. Moi, Philippe, je ne cesse pas de regarder Jésus pour voir le Père. C'est un regard qui donne la joie, qui donne la paix. C'est un regard qui fait naître l'amour et donne la clarté et la force pour connaître mes devoirs de fils et pour avoir la force joyeuse de le! accomplir.

Je sais que la tentation de l'homme, tentation qui me prend souvent, c'est de s'arrêter pour regarder les autres, leurs gestes, leurs actions. Elles sont attrayantes parce qu'elles sont imprégnées de cet égoïsme et de ce que je dis vouloir battre, vaincre. Mais en les regardant, je ne reçois pas la force pour dépasser les difficultés et les tendances de mes faiblesses, de mes tentations. En regardant le mal qu'il y a au monde, je reçois seulement de la tristesse et de l'irritation qui, à la longue, m'entraîne à des attitudes de curiosité, et ensuite de jugement, d'accusation des hommes: "l'accusateur des frères" se trouverait à son aise en moi, tandis qu'il a déjà été précipité. Si je vais en quête du mal, je me retrouverai pauvre et affaibli.
En regardant Jésus, en contemplant en lui le visage du Père, mon cœur reçoit une stimulation à aimer, à jouir, à dépasser avec espérance les angoisses de la création.
Alors mon visage peut donner au monde des rayons de lumière; il peut être le miroir de ce qu'il voit aux cieux. La contemplation de Dieu me donne cette force nouvelle qui sont les véritables nécessités des hommes, de chaque homme. De cette contemplation de Dieu, le monde reçoit l'espérance, des actes d'amour et de compassion, des motifs de paix et de joie.
Moi, le disciple de la curiosité et du concret, je t'exhorte à employer beaucoup de temps à contempler le Père en Jésus. Tu deviendras ainsi un don précieux pour tes frères dans la foi et pour tous les hommes.

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