IL LES APPELA "APOTRES"

"Prêchez l'Évangile" (Mc 16,15)

BARTHELEMY (de l'enthousiasme)
"Comment me connais-tu?" (Jean 1,48)

Moi, fils de Ptolomée, j'ai reçu un beau nom lorsque j'ai été circoncis, Nathanaël: "don de Dieu". Ma vie, ma présence ici et plus encore le fait d'être parmi ceux qui suivent Jésus, sont un don de Dieu. Tout en étant un véritable israélite, l'un des premiers, qui. ne se sont laissés corrompre ni par de l'or ni par les divinités étrangères, je veux admettre avec reconnaissance que cela est du uniquement à la bonté de Dieu. Je n'ai rien de quoi me vanter. Tout le bien, tout ce qui est beau vient du Père!
Je dois admettre que c'est dans ma simplicité et dans la capacité de m'étonner qu'une caractéristique de mon tempérament a planté les racines: l'enthousiasme! Je m'enthousiasme facilement. Je vois des choses belles, dons de Dieu et je m'enthousiasme. Je rencontre des personnes dans lesquelles la miséricorde et la sagesse de Dieu ont agi et je m'enthousiasme. C'est ainsi que plusieurs m'ont pris pour un type sympathique et ils m'aiment bien. C'est pour cela peut-être que Philippe est venu à moi pour me parler de l'homme de Nazareth, sachant que cette nouvelle m'aurait aussitôt enthousiasmé?
Par contre, je l'ai tout de suite déçu. Je connaissais Nazareth: rien de spécial, comme ses habitants. C'est pour cela que je lui ai ré-pondu froidement par ces phrases devenues célèbres: "Peut-il sortir de Nazareth quelque chose de bon?". Décevoir et être déçu c'est typique des enthousiastes. De même la nature qui nous offre des merveilleuses chaînes de montagnes doit les accompagner d'innombrables vallées.

L'enthousiasme et la dépression sont jumeaux.
Mes enthousiasmes me rendent sympathique. Aussitôt qu'ils me manquent cependant, je deviens antipathique, soucieux, pré e vide. Bien d'expériences m'ont été d'enseignement et de lumière. . Je me suis aperçu que l'enthousiasme ne soutient pas la foi. Il a fallu beaucoup pour que je m'en aperçoive, mais la nuit de ce fameux jeudi, quand avec les autres je me suis enfui moi aussi, je me suis aperçu que ce qui est nécessaire pour soutenir la foi c'est l'amour, un amour qui sache se compromettre, éprouvé silencieux. L'amour fruit de l'enthousiasme ne résiste pas aux difficultés. La foi enthousiaste se laisse étouffer facilement aussitôt qu'elle est demandée et vécue dans les situations concrètes.
Je l'ai appris à mes frais. Après cette nuit-là et ce terrible samedi, muet de terreur, mon caractère a sensiblement changé. L'enthousiasme a cédé la place à la réflexion, à l'intériorisation des faits et des paroles. J'admirais Marie, la mère de Jésus qui appréciait et désirait le silence. Comment avait-elle pu s'approcher de la croix? Comment avait-elle pu garder la paix et cette foi ferme et inébranlable dans une situation plus terrible que la mienne? Elle n'avait jamais été enthousiaste de Jésus ni de ses oeuvres. Quand elle jouissait de lui, c'était en silence tandis que moi je m'enthousiasme pour quelques miracles. Elle fermait les yeux et se recueillait. Elle restait dans la paix. Pas même le Calvaire en a secoué la profondeur. Une attitude celle-ci qu'en une certaine mesure j'ai trouvée en Jean. C'est lui le seul, le plus jeune, qui a eu du courage.

J'ai longtemps réfléchi sur ces choses. Je me suis aperçu que la joie de l'enthousiasme, une joie qui devient tout de suite superficielle, attire l'attention des autres sur moi. Celui qui me voit exulter, enthousiaste pour Jésus, ne regarde plus à lui, mais il est attiré par ma façon d'être. Et c'est en cela que se trouve le mensonge. Et il en est de même pour la dépression et la tristesse qui viennent des déceptions. En ce cas-là aussi les fruits viennent de la même racine: l'attention de ceux qui m'entourent est attirée par moi, comme un aimant polarise tout autour de soi. ce sont les jeux de l'esprit humain. Et me voici alors en proie au mensonge. Le mensonge consiste dans le fait de cacher Dieu. Quand d'une façon quelconque je me mets en évidence moie, en attirant sur moi l'attention des hommes au lieu de les aider à s'orienter sur Dieu, je suis dans le mensonge. C'est ainsi que faisaient les esprits immondes que Jésus faisait taire. Il les faisait taire parce qu'ils proclamaient la vérité avec l'esprit du mensonge: ils attiraient l'admiration sur eux-mêmes au lieu d'obéir et d'adorer Jésus.

Pour faibles qu'ils soient, mon enthousiasme ainsi que mes dépressions ont la tendance à devenir le centre d'attention, à me détourner et à détourner les autres de la contemplation et de l'obéissance à Dieu.

Non sans difficulté mais avec décision et joie je me suis orienté sur le chemin du silence. J'ai commencé ainsi: quand je voyais quelque chose ou quelqu'un qui allait m'enthousiasmer, j'essayais de me demander ce que le Seigneur voulait me dire par cette rencontre. Et quand quelque chose allait me porter à la dépression, je me demandais encore quel était le message de Dieu pour moi.

Il arrivait ainsi et il arrive que je ne m'enferme pas en moi-même, je reste ouvert à l'égard de Dieu. Le Saint-Esprit reste sur moi et me fait continuer dans la sérénité et la confiance et dans l'émerveillement silencieux des façons de faire du Père.

Ma route va s'aplatissant. Quelqu'un me dit que je suis en train de devenir indifférent. Quelqu'un d'autre me dit qu'il me trouve plus réfléchi, presque imperturbable. D'autres me disent d'autres choses encore. Tous disent quelque chose en se basant sur le degré d'expérience de leur vie spirituelle. Celui qui vit dans l'intimité de Jésus, mon seul Seigneur, me sourit silencieusement et de ses yeux il me dit sa compréhension.

Jean le Baptiste avait exhorté à baisser les monts et combler les vallées pour préparer un chemin droit au Seigneur qui venait. A-t-il' senti quelque chose de Semblable à cette expérience à moi? Baisser les montagnes de l'enthousiasme et élever les vallées des dépressions pour que le Seigneur puisse marcher sans difficultés vers nos cœurs s et agir en eux sans en être empêché?

Même si le Baptiste ne le pensait pas c'est moi Barthélemy de Cana de Galilée qui te le dis maintenant après en avoir fait l'expérience.

Maintenant, après ces expériences, je comprends un peu comment il se fait que Jésus m'a connu tout de suite, la première fois qu'il m'a vu sous le figuier.
Maintenant que je l'ai connu, il est devenu pour moi la lumière me fait "connaître" qui je rencontre. Je vois s'ils sont de Dieu ou s'ils ne lui appartiennent pas encore. Je suis un pauvre homme mais, par grâce de Dieu, éclairé par lui.

^^^ Table

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