JE SUIS PARDONNE
"Grâces soient rendues à Dieu: jadis esclave du péché, vous vous
êtes soumis cordialement à la règle de la doctrine à laquelle vous avez
été confié et, affranchis du péché, vous avez été asservis à la justice". TABLE DES MATIERES Passages à méditer sur le pardon 43
C'était un Dieu capable de pardonner et de m'accueillir de nouveau, moi qui avais ignoré ou refusé ou renié sa Volonté et déçu son Amour. Je m'aperçois à présent que je me suis mal expliqué: J'ai employé le temps au passé: "je me rencontrais", ''j'étais", "j'avais", parce que j'ai commencé en regardant au passé, mais je dois confesser que tout ceci est valable aujourd'hui encore; j'ai l'espoir et la joie de savoir que, pour toute la vie que Dieu voudra encore m'accorder, je pourrai continuer à rencontrer mon Dieu, plein d'amour et toujours prêt à pardonner, par l'entremise d'un prêtre pécheur et pauvre comme moi. Je m'aperçois au fond d'être resté enfant. Je suis comme un enfant qui
a besoin de tout, besoin surtout de pardon. Je crois que c'est la chose
qui reste ferme dans ma vie. Que de choses ont changé depuis mon enfance!
Celle-ci non! J'ai besoin du pardon. Je vis du pardon. J'ai besoin que
les hommes me pardonnent et j'ai besoin que Dieu me pardonne.
Par conséquent je sais que ce que je dirai trouvera un écho en toi aussi si tu es croyant et si tu as 1'expérience du pardon de Dieu. Si tu ne l'es pas, si tu n'as pas cette expérience et si tu ne vis pas dans la foi ... je suis quand même sûr de t'intéresser et de t'inspirer un grand désir de faire la preuve de ce que l'homme pécheur désire le plus: la libération. J'en suis sûr, même si tu n'es pas croyant, puisque- tu es du moins un homme.
Toutefois, heureusement, mon intelligence repose sur d'autres piliers,
normalement; je raisonne en partant du fait certain que le monde est une
créature et non un Dieu; que je suis, moi, une créature et non Dieu; que
mes rêves et mes désirs sont des créatures et non Dieu. Un autre pilier
c'est la certitude que Dieu créateur a tout créé avec une intelligence
véritable et stable et avec une sagesse éternelle; par conséquent ma vie
aussi a été "pensée" et inscrite dans un but grand, beau, saint,
digne de Dieu. Mon intelligence a encore le soutien d'autres piliers mais
il n'est pas nécessaire que je t'en parle à présent. il s'aperçoit d'avoir commis une faute: même s'il n'admettait pas avec sa raison sa faute, c'est son cœur qui l'admettrait. Dans cette circonstance je pourrais me trouver en deux situations différentes: je me vois avec ma faute; je suis coupable, j'ai commis une faute; j'ai fait du mal à moi-même ou aux autres, c'est ma faute. Je me trouve face à face avec moi-même. Mon "moi" "comme je voudrais être" se trouve en face de mon "moi" "comme il est" et ces deux faces ne correspondent pas. Je suis divisé en deux personnages. Qui retrouvera mon unité et mon harmonie intérieure? Psychologues, psychanalystes, hypnotiseurs etc. se relaient pour résoudre les énigmes, pour faire des séances et des guérisons, parce qu'un "moi" divisé est malade. Le sens de culpabilité a porté à la schizophrénie. Nous sommes tous un peu schizophrènes dit quelqu'un pour se consoler. Moi je ne me résigne pas. Lorsque je commets une faute en vivant ma vie personnelle ou de rapport avec les autres, je me retrouve devant mon Dieu: devant Celui qui m'aime et qui s'attend de moi seulement de l'amour, des mots, des pensées et des actions d'amour. C'est Lui qui me fait remarquer ma faute. C'est à Lui que je dis mon regret; devant Lui je reconnais d'être pécheur, infidèle et ingrat envers son Don constant. J'ai en moi le sens du péché. Le sens du péché n'est pas le sens de culpabilité. Le sens de culpabilité appartient à l'homme sans Dieu, ou qui oublie Dieu temporellement, le sens du péché appartient à l'homme qui vit avec Dieu. 3. L'AVEUGLE NE VOIT PAS L'homme qui vit avec Dieu pèche. Ne te scandalise pas. Je veux dire que
1'homme qui vit en rapport avec Dieu, qui vit dans la foi et dans l'amour
de Dieu, appelle ses fautes volontaires des péchés. Le péché n'existe
pas selon ceux qui n'ont pas un rapport sain et d'amour avec Dieu: tu
pourrais rencontrer quelqu'un qui-te dit: le péché? il n'y en a pas, cela
n'existe plus! Moi je n'ai pas de péché, en effet je n'ai tué personne.
Et ceux qui ont tué arrivent à découvrir que tuer ce n'est pas un péché
parce que ... et toutes les excuses sont bonnes. Jésus Christ et son Père. Tu ne le convaincras jamais de ses péchés jusqu'à
ce qu'il n'ait pas accueilli Jésus dans son cœur. Tu n'arriveras, jamais,
à convaincre un sourd qu'il y a du bruit: avant tu dois lui ouvrir les
oreilles. Ce n'est pas sans raison que St Paul rappelle aux chrétiens: "Faites-vous
imitateurs de Dieu!" et St Jean: "Celui qui aime vient de Dieu".
Mais comment dois-je faire pour ne pas pécher? Chaque jour je trouve en
moi des forces qui me poussent à des gestes et des paroles qui, tout en
n'étant pas tout à fait égoïstes, naissent ou se nourrissent d'un égoïsme
bel et bon. Et l'égoïsme ce n'est pas de l'amour. Que faire? 4. LA PREUVE PAR NEUF Tu as certainement vu un élastique. Un élastique peut être tendu, tiré mais jusqu'à un certain point. Si tu le tires plus qu'il n'est possible, il se casse. Même le rapport entre deux personnes ressemble, somme toute, à un élastique. Entre toi et moi il peut se vérifier une tension: une tension qui peut être allégée par un mot gentil, un sourire, un geste d'amour. Mais la tension entre deux personnes peut même devenir exaspérée, et cela arrive souvent, par l'obstination sur sa propre position, par la volonté de revanche ou de vengeance. En ce cas, une tension peut arriver à un point de rupture. Ce genre de chose peut arriver même dans le rapport d'une personne avec Dieu. Ce rapport peut être beau, harmonieux, filial. Mais si la personne commence à se laisser tenter et à sortir de l'amour (atmosphère où on devrait toujours rester même pour être en harmonie avec soi-même) son rapport avec Dieu commence à être tendu. Ce n'est pas Dieu qui tire l'élastique! Au contraire, Il cède un peu, il me retient à Lui mais Il ne peut me suivre si je m'en vais dans la direction contraire à la sienne, contraire à l'amour véritable: alors mon rapport avec Lui se casse. Je ne suis plus accroché au Père, je ne suis plus son fils, je ne suis plus dans la sainteté de l'Esprit. Une fois j'ai appris à appeler "véniel" le péché comparable à la tension de l'élastique, et "mortel" celui comparable à sa rupture. 'Mortel": c'est grave. Cela indique la fin d'une vie. La vie de Dieu en moi ne respire plus, n'agit plus, n'éclaire plus. L'homme est livré à lui-même. C'est un malheur. L'homme "sans Dieu en soi" est très différent
par rapport à l'homme "avec Dieu en soi". T'en es-tu aperçu?
Un homme mort est tout autre qu'un homme vivant. Eh bien, c'est la même
différence. Quelquefois l'homme peut arriver à ce point non seulement par des gestes ou des actions éclatantes comme un vol d'importance, un homicide, le blasphème volontaire, 1a fornication, l'adultère, l'avortement, l'idolâtrie, le faux serment, mais aussi, petit à petit, presque sans s'en apercevoir, en s'éloignant de Dieu de façon lente et constante. On pourrait dire qu'il meurt de- faim. Un homme qui pour des semaines où des mois ne se nourrit pas de la Parole de Dieu, ne cherche pas la véritable prière, ne garde pas le contact avec la vie des autres disciples du Seigneur, cet homme perd peu à peu les forces, la lumière, l'ouie, le véritable amour. Ensuite tu t'aperçois qu'on ne le distingue plus des païens. Tu ne trouves plus en lui aucun signe caractéristique des fils du Père des cieux; et avant tout ce qui lui manque c'est la volonté de pardonner ses ennemis. Il est mort, sans la Vie.
Le cœur de 1'homme est un véritable mystère. Il est capable de faire
des actions les plus belles et de commettre des atroces délits. Mais sait-on
s'il en est vraiment capable ou bien si ce n'est pas une force plus grande
qui le pousse à commettre des actions inhumaines! j'ai ce doute pas tellement
parce que quelqu'un m'a parlé quelquefois de démons ou parce que je veux
défendre des délinquants communs ou politiques; j'ai ce doute parce qu'il
m'est arrivé plusieurs fois de rencontrer des enfants de douze ans à peine
qui me confiaient à peu près ceci: " lorsque le soir sous les couvertures
je m'apprête à prier, des jurons me viennent à l'esprit et sur les lèvres.
Je ne veux pas, j e ne veux pas mais i1s me viennent ". J'ai cru
qu'i1s ne voulaient pas et j'ai cru que ça leur arrivait parce que d'autres
m'ont rapporté des choses de ce genre concernant non seulement les mots
blasphèmes mais aussi le vol, l'impureté, le mensonge. Bien que cela ne soit pas rare ce n'est pas non plus très clair. Le cœur
de l'homme demeure toujours un mystère. C'est un ensemble de conscience
et de volonté, de liberté et de conditionnement, de mémoire et d'intelligence,
de tempérament et d'esprit, d'affection et de foi. Au fond nous sommes toujours des enfants. Lorsque je le reconnais et me mets avec la simplicité et la transparence des enfants devant Dieu et devant les hommes, alors je suis protégé et je réussis à percevoir l'amour de Dieu et celui des hommes. Mais lorsque je ne reconnais pas ma petitesse et je cherche la grandeur et la suffisance devant Dieu et les hommes, alors il me semble que tout m'est ennemi, ma vie ne me satisfait pas et je la rends insupportable aux autres. C'est un grand secret, une grosse chance que d'être comme des enfants; Jésus-Christ, qui connaissait le cœur de l'homme mieux que moi et que n'importe quel psychologue moderne, avait déjà révélé ce secret à Jacques et à Jean et à tous ses autres disciples. A présent il le révèle à nous aussi. "Si vous ne retournez pas à l'état des enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des Cieux", vous ne pourrez pas atteindre la pleine harmonie de vos facultés et vous ne serez donc pas tout entiers et complètement ni devant Dieu ni en communion avec les autres hommes. L'enfant a besoin d'aide: il sait le demander et le recevoir. L'enfant aussi fait des erreurs et des péchés, il manque d'amour: mais il rétablit assez rapidement les rapports, il oublie les torts il demande pardon; il ne peut rester longtemps sans l'amour de sa mère. Moi je suis un enfant qui ne peut rester longtemps sans l'amitié de Dieu, sans l'harmonie pleine avec tout ce qui m'entoure. Puis-je, comme un enfant, rétablir l'unité des rapports cassés avec Dieu et avec mes frères? L'enfant qui demande pardon sent que ce n'est pas lui qui rétablit le rapport d'amour: tant que sa maman ne lui aura pas dit " oui, je te pardonne ", tant qu'elle ne lui fera pas une caresse, qu'elle ne lui donnera un signe de réconciliation, l'enfant ne sera pas sûr. Il demande pardon, l'obtiendra-t-il? L'enfant est sûr d'obtenir tout de suite ou après (peut-être même après ou à travers la punition) le pardon qu'il désire afin que le rapport d'affection puisse être rétabli mais tant que ce geste ou ce signe ou cette parole n'arrivera pas il reste triste, désespéré, mutilé. Je reconnais dans cette description ma situation telle qu'elle est lorsque je suis dans le péché. Je cherche le pardon de Dieu, je ne pourrais m'en passer et je suis sûr que le Seigneur est tellement Amour et, comme une mère, impatient de me serrer dans ses bras qu'il est prêt au pardon; mais tant que je ne reçois pas un signe, tant que je ne vois pas avec mes yeux et je n'entends pas avec mes oreilles un signe du pardon de Dieu, je ne trouve pas la paix dont mon cœur a besoin. 6. VOIR LE SIGNE Comme les enfants j'ai besoin moi aussi d'un signe du pardon de Dieu. Qui est-ce qui me le donnera? Qui, parmi les hommes, pourra m'assurer cette oeuvre de Dieu, Cette oeuvre si grande et intime entre moi et Lui seul, entre Lui et moi? Comment Dieu pourra-t-il me persuader qu'il a écouté et exaucé ma demande de pardon? Je ne peux lui apprendre ni prétendre des signes extraordinaires, des miracles, des éclairs ou des tonnerres; et d'autre part je ne peux être convaincu d'avoir été pardonné et donc de jouir de la paix sans avoir eu des signes concrets. Je dois admettre que Dieu est un bon psychologue. C'est Lui d'ailleurs qui a formé l'homme, il sait par conséquent comment est son cœur et ce dont il a besoin. Pour pardonner le péché des hommes il n'a certainement besoin ni de paroles ni de gestes. Mais pour que l'homme ait la certitude de son amour, il vient à sa rencontre et établit des façons accessibles au corps et au cœur humain. C'est pour cela que Jésus-Christ s'est fait homme, homme en chair et os comme nous. Jésus le Christ est le "Dieu pour nous" pour que nous puissions rencontrer Dieu à notre niveau sans avoir à devenir des anges. Il est difficile de croire que Jésus-Christ, le fils de Marie, qui appelait papa le menuisier de Nazareth, est Dieu. Cela a été difficile pour les gens de son village et pour les juifs en général, exception faite pour ceux qui croyaient aux faits. Ces personnes qui avaient déjà des convictions, des certitudes, qui se sentaient sûres de leur science et de leur sagesse, qui avaient quelque chose à défendre, ces personnes n'arrivaient pas à admettre que Dieu pouvait agir différemment de ce qu'ils imaginaient. Ceux au contraire qui laissent Dieu libre d'agir étaient eux aussi libres de reconnaître ses oeuvres: ils reconnaissaient ainsi que les oeuvres de Jésus étaient divines. Les autres attribuaient à Satan même les guérisons et les miracles les plus beaux ainsi que la libération des possédés (Mt 12,22-32) afin de ne pas reconnaître que Jésus était Dieu; sinon ils auraient dû accepter son enseignement et ils auraient été obligés d'admettre que Dieu pardonnait par son intermédiaire : c'était un point décisif. Si Dieu pardonnait par l'intermédiaire d'un homme, de Jésus, ils auraient dû se plier s'humilier, se reconnaître obligés envers un homme. Leur présomption et leur orgueil atteignaient ainsi le comble; ils étaient aveugles à tel point qu'ils appelaient blanc le noir et noir le blanc et définissaient comme oeuvres du Mauvais les miracles de Dieu. Il est vraiment difficile de croire que Jésus est Dieu. Il suffit que celui qui sent de ne pas être en syntonie avec Jésus et ne veut pas accepter ce qu'Il dit qu'il fait et qu'Il demande, fasse ce simple pas: ne pas croire à sa divinité, ne pas croire qu'il est l'envoyé de Dieu. Plusieurs font ce pas. Ils croient ainsi pouvoir se justifier; ils estiment "sainte" leur ignorance de certaines parties de l'Evangile et même leur désobéissance envers celles-ci. Ce que Jésus fait et dit et commande de faire par rapport au pardon des
péchés fait partie de la liste de ces choses difficiles à accepter; ce
sont les personnes libres qui les acceptent, les purs de cœur qui sont
capables de reconnaître comme oeuvre de Dieu ce que Lui seulement peut
faire, qui sont capables d'accueillir Jésus comme le Dieu vivant et bon,
qui veut nous sauver. Je crois que Jésus est le Fils de Dieu, qu'il est Dieu: ce sont les Apôtres qui me l'apprennent par leur témoignage. Je rappelle tout particulièrement ici la phrase de St Paul: Il en Christ habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité!" (Col. 2,9). Jésus désormais a lié pleinement à soi l'Eglise, "son Corps" dont il est le Chef. Nous pourrions donc définir l'Eglise comme la partie de l'humanité qui, sur la terre, est liée indissolublement à Dieu. Elle n'est pas Dieu mais elle est le"lieu" où Dieu agit concrètement! L'incarnation de Dieu en Jésus-Christ n'est pas un fait du passé, c'est
un fait éternel, continu, actuel: Dieu agit aujourd'hui par l'intermédiaire
d'hommes de chair parce qu'ils sont unis à Jésus.
Souvent Jésus a vécu la joie de voir ses interlocuteurs volontaires ou
non changer de vie après avoir été pardonnés. Souvent il a entendu le
soupir de soulagement et de libération de ceux auxquels il disait: "Va
en paix, je te pardonne". Un soupir qui en disait long. Et remarquons
que la plupart de ces gens avaient été obligés de se présenter devant
Jésus. L'adultère avait été jetée violemment à ses pieds avec haine et
sarcasme. Zachée, qui s'était caché dans le feuillage d'un sycomore, s'est
entendu dire: "descend, aujourd'hui je dois venir chez toi".
Le larron, s'il n'avait pas été mis sur la croix ce jour-là même, n'aurait
pas eu la chance qu'il a eue. Bravo! Il avait compris la méthode de Jésus, il avait compris qu'une âme pardonnée et consciente d'avoir été pardonnée, est capable de raisonner. Autrement on parle on parle on parle et on continue à tourner autour du problème sans le toucher. Le seul problème c'est le péché. Si le péché pèse au cœur et ne vient pas éliminé, ce cœur n'est pas en mesure de comprendre, de raisonner, d'être éclairé sur les choses fondamentales de la vie et de la mort, tout simplement parce qu'il n'est pas libre. Le problème est celui-ci: Ôte le péché et tout est différent, tout est plus clair et limpide. Jésus tient à nous pardonner. Ces expériences moi aussi je les ai faites: sur ma peau et sur celle
des autres. J'en ai une expérience assez vaste: crois-moi. Mais Jésus n'a pas regretté cet acte d'amour envers nous. Je ne sais pas ce qui est plus grand, si c'est l'acte de foi de celui qui se confesse ou si c'est celui que je fais moi, prêtre, en lui donnant le pardon du Tout-Puissant. C'est un acte de foi en Dieu et d'amour pour les hommes que j'accomplis avec joie! 8. UN AMOUR VAINQUANT LA CRAINTE Depuis ce jour-là, depuis le jour de Pâques, l'Eglise a continué d'annoncer que Dieu pardonne. Elle l'annonce à tous pour que tous entendent et le sachent; elle attend ensuite que chaque individu se décide pour lui donner, personnellement le pardon de Dieu. L'annonce de I'Église n'est pas seulement prophétique, elle est aussi sacramentelle; c'est-à-dire qu'elle ne se limite pas à dire que Dieu est capable de pardonner mais elle transmet le pardon même moyennant un geste vrai et concret. Elle ne dit pas seulement mais elle agit aussi. L'Église, cette communauté de croyants, s'est chargée d'une autre tâche:
connaissant la réticence de beaucoup de personnes et le poids que le péché
exerce sur l'homme pour l'éloigner de l'humilité de demander pardon, voilà
que 1'Église oblige ses membres à s'agenouiller au moins une fois par
an pour obtenir miséricorde. Mais cette violence de l'Eglise envers ses membres n'est pas sentie par la plupart d'eux : en effet ceux-ci n'attendent pas Pâques quand ils sentent et savent d'avoir besoin du pardon de Dieu. Je n'attends pas que chez moi le tas d'ordure fermente avant de balayer. Qui pourrait ôter la mauvaise odeur qui imprègne même les murs? Je n'attends pas un an avant de me présenter devant l'apôtre de Jésus pour avoir de lui la parole de réconciliation. Comme moi, beaucoup d'autres chrétiens ont compris que la vie peut être vécue bien seulement si elle est pardonnée, que l'amour de Dieu exige que nous nous humilions et lui permettons de nous pardonner, que l'amour pour l'Église et nos frères n'est pas parfait s'il ne répand pas constamment la suavité du pardon reçu. Je n'attends pas d'avoir des péchés mortels, je n'attends pas que l'élastique soit cassé pour me présenter devant le ministre de l'Église. J'ai appris que le pardon de Jésus me fait du bien même pour les péchés "véniels". L'Eglise ne m'y oblige pas, elle me le conseille. J'accepte aussi ses conseils. Je ne crois pas que le fait de demander pardon à un prêtre pour des péchés non graves soit seulement de l'égoïsme: si c'était de l'égoïsme, je n'irais jamais me confesser. L'égoïsme joue des mauvais tours: il cherche des excuses et fait naître et augmenter la honte. J'ai appris à demander le pardon de Dieu aussitôt après avoir commis le péché, si cela est possible. C'est l'amour qui me l'a appris. J'ai remarqué que je suis non seulement un individu qui fait sa vie;
j'ai remarqué que du moment que je vis dans une société j'ai un devoir
social. Ce n'est pas beau de voir Dieu, le Dieu que j'aime, agir en ce monde avec un de ses enfants engourdi par le péché, tiède et bloqué par ses manques et ses faiblesses. Pour l'amour de mon Dieu, pour qu'il puisse donner une bonne impression là où il se sert de moi pour transmettre son amour, je fais en sorte que mon cœur puisse jouir le plus possible de son pardon de la façon que Lui-même m'offre: si nécessaire même tous les jours. C'est l'amour qui m'a poussé à me confesser souvent et c'est l'amour qui me donne la force de vaincre la honte. La honte des péchés ce n'est pas seulement toi qui l'éprouves, moi aussi je l'éprouve. J'ai honte en moi-même et vis-à-vis du prêtre qui m'écoute, comme toi tu as honte devant moi. Tu verras que l'amour vaincra la crainte. L'amour pour Dieu le Père et pour son Fils Jésus, la volonté de lui rendre honneur, écrase la honte et le respect humain. 9. LE PECHE, UNE AFFAIRE SOCIALE L'amour m'a appris à me confesser souvent. A vrai dire ce n'est pas seulement
mon amour pour Jésus et pour le Père qui m'y a poussé. Ce qui a joué un
rôle important en cela c'est aussi mon petit amour pour mes frères, pour
toi. Comme prêtre je me trouvais, comme à présent d'ailleurs, à avoir un contact
continuel avec les gens, petits et grands. Tous s'attendaient de moi non
seulement une sainteté d'esprit mais aussi une générosité d'action, une
disponibilité immédiate, une liberté intérieure pour rire avec eux, pour
pleurer pour leurs tristesses, pour m'émerveiller avec leurs stupeurs.
Ce n'était pas seulement une attente de leur part, c'était ce que je désirais
aussi. Cela arrivait à moi qui suis prêtre. J'étais prêtre et je ne peux pas te donner le change; mais je crois que toi aussi tu fais la même expérience même si tu n'es pas un prêtre. Je t'assure qu'il en est ainsi pour toi aussi- peut-être tu ne t'en aperçois pas si tu n'a pas encore sensibilisé ton âme et ton esprit à capter ces faits. J'ai toutefois l'expérience d'hommes et de femmes, de jeunes, adultes et vieux de toute condition: Je peux donc t'assurer qu'il en est ainsi pour toi aussi. L'amour pour mes frères donc, à côté- de l'amour de Dieu, en définitive 1' "amour", m'a convaincu et poussé à chercher souvent un prêtre. Je le cherchais même le jeudi non seulement le samedi et, s'il le fallait, je me servais des roues de quelque moyen privé ou public: vélo, moto, auto. L'amour est capable de ces choses. Je t'ai dit comment j'ai fait. Un jour tu me diras comment tu auras fait: j'aimerais que tu me le dises. L'amour pour Dieu et l'amour pour les frères c'est un seul amour. Le cœur qui aime n'est pas partagé entre Dieu et les frères; le cœur qui aime est en Dieu et atteint les frères aimés par Dieu. Ainsi le mal que je fais est contre Dieu et en même temps contre mes frères. Le péché le plus caché étend ses mauvaises conséquences sur tous mes rapports sociaux. Chacun de mes péchés rend moins belle, moins croyable, l'Eglise; il lui enlève la dimension divine, baisse le ton général de la paroisse et de la communauté à laquelle j'appartiens, il soutient les autres dans leur tiédeur et peut-être il les y entraîne. Du moment que je suis un membre de l'Église, chacun de mes péchés l'entrave
dans son chemin. L'Église est rendue légère et vivace par l'Esprit Saint
qui l'enveloppe et la remplit. Si j'introduis en elle un autre "esprit"
et permets que le Mauvais -moyennant mon péché- s'en mêle, son témoignage
n'est plus limpide, sa prière devient mensonge: avec la bouche elle dit:
"que ton Règne vienne" et avec les oeuvres fait le mal. Pire encore si mon péché est caché aux yeux des hommes: S'ils le voyaient
ils sauraient au moins s'en défendre; ne le voyant pas, il croient encore
à mon exemple qui n'est plus du tout chargé de foi et d'amour. Chacun
de mes péchés contre Dieu est donc un vol à la communauté Même le pardon que je reçois du prêtre est le pardon aussi bien de Dieu que des hommes. Les membres de la communauté chrétienne reconnaissent au prêtre, outre la représentation de Dieu, même celle de l'Evêque et des membres de l'Église. L'Evêque qui a reçu par la succession apostolique les pouvoirs confiés par Jésus aux apôtres, est le seul à pouvoir pardonner les péchés au nom de Dieu: c'est lui qui confie à ses prêtres la participation à cette tâche. (En effet si je me rends dans un autre diocèse, je dois demander à l'Evêque de ce lieu la permission de confesser. Mon Evêque me l'a donnée pour son Diocèse, pour sa communauté. Cette loi est une garantie pour toi pour que tu ne puisses être trompé par quelqu'un qui veuille se faire passer pour prêtre). Les chrétiens qui reçoivent le pardon de Dieu sentent d'être également pardonnés par toute l'Eglise, par tous les chrétiens: ce que fait le Chef est accueilli par le Corps: ce que fait Christ, l'Eglise aussi le fait. Le pardon que je te donne comme prêtre c'est le pardon des chrétiens également. Les chrétiens le savent et lorsqu' ils voient que je me dispose à écouter les péchés de leurs frères pour les pardonner, ils préparent eux aussi leur cœur pour pardonner tout à tous. C'est d'ailleurs une condition essentielle pour être nous aussi pardonnés par Dieu. Si je ne pardonne pas aux autres leurs offenses, je ne suis pas en mesure de recevoir le pardon de Dieu. Jésus a voulu nous l'enfoncer dans la tête: "Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés". Mais les autres m'offensent souvent. Il y a même quelqu'un qui m'en fait passer des belles! Combien de fois dois-je pardonner? Ne t'étonne pas! St. Pierre avait ce problème. Tu sais déjà ce que Jésus lui a répondu (Mt 18,21-35). Il me semble de comprendre ainsi la pensée de Jésus: si tu pardonnes véritablement une fois, tu es de nouveau en pleine unité d'amour avec le frère qui t'a fait du tort. Le prochain pardon que tu lui donneras ce sera encore le premier. Comment compter combien de fois tu as pardonné? Ces calculs seraient le signe que tu n'as jamais véritablement pardonné. |