M A R T H E, M A R I E ... et J E S U S
Deux sœurs habitent la même maison. Par leur présence et leur amour elles
la rendent accueillante. Marie aussi aime Jésus. Ce n'est pas elle la maîtresse de maison. Elle
nourrit un autre genre d'amour pour Celui qui vient d'entrer chez elle. Marie est attentive à Jésus, à ce qu'il désire, à ce qu'il a dans son cœur. Rien ne lui importe d'elle-même, de donner une bonne impression de soi: c'est Jésus qui lui importe! L'amour de Marthe pour Jésus part de son "moi"; l'amour de Marie part de "toi". Leur rapport avec Jésus peut très bien représenter deux façons différentes de prier. La prière, en effet, est le rapport que nous avons soin d'avoir, ou que nous négligeons, avec notre Dieu, par Jésus, son Fils! Marthe, dans son rapport avec Jésus, tient lieu de maîtresse de maison: Lui c'est l'invité. Marie considère Jésus le maître de maison et elle se considère son invitée. Elle lui laisse toute l'initiative, lui permet d'exprimer ses désirs et de réaliser les buts qu'il s'était donnés avant de venir. Elle est prête à obéir. Une demande s'impose après avoir considéré comment les deux sœurs aiment Jésus. Par laquelle des deux Jésus s'est senti accueilli et aimé? L'amour de Marthe était orienté à satisfaire les éventuelles nécessités
matérielles de Jésus: la faim, la soif, le repos. L'amour de Marie rendait celle-ci attentive à l'esprit, à des réalités plus profondes, aux désirs du cœur. Jésus n'est pas venu pour se faire servir, mais pour servir, pour donner Lui-même une nourriture et une boisson et un repos qui puissent satisfaire le cœur de l'homme. Marthe, avec superficialité, est attentive aux choses, Marie est attentive
au cœur. Jésus a senti que Marthe accueillait sa présence physique, Marie
sa présence spirituelle. Marthe voulait l'enrichir, Marie acceptait de
se faire enrichir par Lui. Le genre d'amour différent des deux sœurs porte à des conséquences différentes. L'amour de Marthe, égocentrique, porte cette femme à voir les autres
avec des yeux intéressés. Cet intérêt n'est pas celui du Règne de Dieu! Le "moi", écouté sur ce qu'il y avait à faire lors de l'arrivée de Jésus, reste encore pour Marthe le centre de son attention: "elle m'a laissée seule". Marthe voit seulement soi même. Ce qui l'intéresse c'est sa décision et le fait de réaliser ce qu'elle a décidé. Sa sœur est considérée soumise à elle : "qu'elle m'aide". Les décisions de Marthe sont plus importantes des désirs de Jésus! L'amour de Marthe pour Jésus est un amour qui l'entraîne à voir dans sa visite une occasion pour "s'épanouir", pour montrer ses capacités de bonne ménagère, de grande travailleuse. Les conséquences sont destructives: elle détruit le Règne de Dieu dans
sa propre maison! Jésus n'est plus le centre de l'attention, la paix s'est
éloignée de son cœur qui est agité, préoccupé et vexé, peut-être même
jaloux: son cœur est devenu plein d'esprits négatifs si différents de
l'Esprit Saint! L'Esprit Saint amène l'homme à estimer les autres supérieurs
à soi, à prendre les désirs de Jésus comme sa propre volonté, à mettre
le Fils de Dieu au centre comme le fait le Père qui lui a donné tout pouvoir. Marthe se réduit à cet état de choses. En outre, et c'est là une autre conséquence, elle arrive à se considérer
plus sage que Jésus et elle se permet de lui commander: "Dis lui
qu'elle m'aide". Elle continue à se sentir maîtresse de maison et
dans le pire des sens. Elle dit à Jésus ce qu'Il doit faire, comment il
doit se comporter avec sa sœur. Voilà venir à la lumière une attitude contraire à Dieu parce que contraire
à l'amour véritable, attitude qui se cachait en Marthe. Les fruits manifestent
que ce genre d'amour préoccupé de faire bonne impression et de réaliser
ce qu'elle pensait, ce n'est pas l'Amour du Père! Marie se tait. Elle reste à l'écoute de Jésus. Elle ne se laisse pas toucher par l'inquiétude de sa sœur, elle ne se défend pas de son accusation, elle ne se plaint pas de son jugement. Elle reste à l'écoute de Jésus, disponible à ses signes. Son cœur reste ainsi dans l'amour. La présence de Jésus est pour elle plus significative et plus importante que celle de Marthe. Le jugement qu'on porte sur elle ne la touche pas. Son amour pour Jésus contient aussi le don de la sainte crainte de Dieu. Elle demeure "indifférente" à tout ce qui, en sa sœur, n'est pas dicté par l'Esprit-Saint. Elle ne permet pas à cet esprit inquiet d'entrer dans son cœur pour y porter la hâte et la distraction. Elle demeure dépendante de Jésus et Lui laisse sa propre défense. Si Jésus lui disait de se lever pour aider Marthe, elle serait prête à le faire sans hésiter. Le premier rang que Jésus a dans son cœur et qui la met à l'écoute produit en elle une disponibilité et une générosité insoupçonnées. L'Evangile ne le dit pas mais c'est l'expérience que les chrétiens vivent quotidiennement qui le confirme. Lorsque je suis dans une attitude d'écoute et de contemplation de Jésus, je suis disponible à n'importe qui, disponible à l'aimer et à l'aider: un signe me suffit, intérieur ou extérieur, qui me laisse entrevoir qu'il s'agit d'un désir du Seigneur. Et la disponibilité devient, en outre, désintéressée car elle ne dépend pas de la demande d'un homme mais de l'obéissance à Dieu. C'est ce que nous remarquons dans l'expérience de la Mère de Jésus: l'attention et l'écoute de Dieu l'a portée à être disponible au service d'Élisabeth; et, en plus, à accomplir ce service avec joie et enthousiasme! L'attention à Dieu a rempli son esprit et a donné à toute sa vie la transparence de Dieu! L'amour paternel de Dieu a trouvé en elle espace et concrétisation. Lorsque je laisse la parole à Jésus et je fais ce qu'il me dit, Lui-même s'engage pour moi. S'il me dit de prier, je prie; s'il me dit de travailler, je travaille: il m'importe peu d'évaluer moi-même les choses, ce qu'il faut faire. Je me tiens dans l'obéissance et ma présence est alors une présence divine. En effet Jésus se comportait ainsi avec son Père! C'est pourquoi nous comprenons Jésus qui défend Marie et apprécie la disponibilité de cette sœur: c'est une disponibilité divine, celle du Fils ! Jésus l'appelle "la meilleure part"! Et nous savons par Jésus-même que cet adjectif est attribué à Dieu seulement: Dieu seul est bon! Marie a choisi la part de Dieu! Elle a choisi pour soi de faire ce que fait le Fils de Dieu: il observe le Père pour faire seulement ce qu'il voit faire par Lui et l'écoute pour Lui obéir. Il a choisi de se laisser aimer par Lui en se laissant conduire par Lui. Que peut-il y avoir de mieux? de plus sage? Cette part ne peut être remplacée par rien de mieux. Pas même dans l'éternité il n'y aura quelque chose de plus. Jésus, don de Dieu, envoyé par le Père, c'est pour nous l'Absolu. La tentation de trouver, dans notre raisonnement et nos habitudes, quelque chose d'important qui conditionne l'écoute de Dieu, est toujours actuelle et insidieuse. Elle fait devenir l'homme préoccupé et angoissé pour trop de choses, comme l'est Marthe. Se préoccuper et s'angoisser pour les choses c'est s'éloigner de Dieu; c'est le signe qu'on oublie sa présence et son importance et cela apporte l'inquiétude, la peur, la crainte des hommes! Le partage de l'homme c'est d'être le fils: le fils écoute, obéit, a confiance et disponibilité. Cela apporte la sérénité, la sécurité, la plénitude de joie et liberté. Le fils sait que le Père s'occupe de lui plus qu'Il ne s'occupe des moineaux, il demeure donc dans la paix. Et la paix lui permet d'écouter Jésus, de lui prêter toute son attention, de lui donner toute l'affection de son cœur, si bien qu'il devient une seule chose avec Lui! C'est là mon désir, et c'est le meilleur pour tout homme, le but de toute
prière, la fin de tout désir: La prière qui m'aide à entrer en Lui est prière; celle qui me laisse loin de Lui est un semblant de prière. L'épisode de Marthe et Marie n'est pas une opposition entre la prière et le travail, entre l'action et la contemplation. Il Fait ressortir quel doit être le vrai rapport avec Dieu, le vrai amour pour Jésus: un amour obéissant et disponible à son égard. En Jésus Le besoin de contemplation et la nécessité de l'action sont parfaitement équilibrés! De l'obéissance à Jésus naîtra une action conséquente à la contemplation et une contemplation qui ne sera pas troublée par l'action. Lui-même fait ce qu'Il voit faire par son Père! Il agit tout en contemplant! Jésus est le centre de toute attention!
Maintes fois Jésus insiste sur cette invitation, sur cet ordre. Se donner de la peine pour les choses: nourriture, vêtement, argent ... apporte dans le cœur de l'homme des conséquences étroitement enchaînées. Le cœur désire des choses et l'esprit contemple ce qu'il désire: l'esprit est ainsi absorbé par la terre, entraîné, rendu impotent. Chaque fois que je me préoccupe pour quelque chose, je m'aperçois que
c'est la prière qui y perd: mon rapport avec Dieu n'existe plus pratiquement. Le Père est heureux du fait que le fils lui laisse le rôle de Père, qu'il
a confiance en Lui toujours. Il t'est probablement arrivé, comme il m'est arrivé souvent, d'abandonner quelque préoccupation, de la remettre au Père: au bon moment tout se résout à merveille, mieux que ce qu'on espérait! C'est vrai: " tout concourt au bien pour ceux qui aiment Dieu!". Se préoccuper et s'agiter c'est manquer de foi. Le Père est-il père oui
ou non? Alors pourquoi se soucier? Si les choses ne marchent pas comme
il me semble juste, le Père sait pourquoi; Il l'a prévu. C'est même un
don à Lui car à l'avenir ce fait aura sa place la plus indiquée. Qui peut
savoir, d'ailleurs ce qui est le mieux pour le Royaume de Dieu? Qui peut
savoir ce que le Père veut préparer pour son Règne? Les contretemps sont
providentiels pour le Règne de Dieu. Cette paix est déjà le règne de Dieu: oui, Dieu peut être le Roi! Cette paix est en effet un terrain favorable pour que mon cœur puisse demeurer uni avec Jésus et mon esprit occupé avec Lui; voilà ce qui plait au Père, que Jésus soit le seul à occuper l'esprit et le cœur, selon ce qu'écrit St Paul aux Philippiens (4,6). Demain portera ses peines. Ne vous souciez pas pour demain. Restez allégés!
Si Dieu pourvoit à tes nécessités d'aujourd'hui, ne pourra-t-il pas être
Dieu demain aussi? S'occuper de notre tâche, c'est obéir à Dieu, s'en préoccuper c'est exclure Dieu. Jésus a ainsi reproché ses disciples lorsqu' ils se sont laissés vaincre
par la peur: Où est votre foi? Pourquoi avez-vous peur, hommes de peu
de foi? Que j'aie Dieu dans mon cœur et que je soies caché en Lui. Le souci remplace dans mon cœur Dieu par les choses ou les personnes; il ne me laisse pas caché en Dieu, il me met en évidence comme la flamme d'une bougie qui s'agite sans cesse: elle attire l'attention, elle est gênante, elle empêche de voir bien. Mon souci attire l'attention sur moi en la détournant de Dieu. Jésus nous annonce et propose les conséquences de son Evangile ainsi:
"ne vous inquiétez pas pour le lendemain" "tout cela vous
sera donné en plus". Qu'elle est belle la vie d'un homme qui est en paix car il sait que Dieu
est Père! C'est une vie qui annonce le Règne de Dieu, c'est une vie qui
en fait goûter l'harmonie et la douceur, c'est une vie qui crée la communion
entre les hommes; c'est une vie qui répand autour de soi le goût des choses
spirituelles, une vie qui fait aimer Jésus, qui pousse vers Lui, qui attire
à Lui!
Que me sert de réussir à convaincre les autres de mes opinions si je ne vis point dans l'amour? Que me sert d'arriver à temps à un rendez-vous si pendant le trajet je ne sais pas dominer ma hâte? Que me sert de faire tout ce que j'ai prévu si je me laisse prendre par l'inquiétude? Que me sert de réussir à la perfection une célébration liturgique si je suis furieux à cause des enfants de chœur ou des retardataires? Que me sert d'avoir sur la table un premier plat, un second et même plus si je ne porte pas la paix à mes convives? Que me sert de gagner un concours si je ne sais pas utiliser mon temps et mon argent pour devenir un instrument d'amour? Que me sert d'avoir été reçu à l'examen si je ne sais pas avoir de l'amour pour le professeur et pour mes camarades? Que me sert de conserver mon emploi si je n'obéis pas aux appels de Jésus? Que me sert de réussir à m'amuser si ensuite je perds le calme et la maîtrise de moi-même? Que me sert de savoir tant de choses si ensuite je ne sais pas mourir à mes goûts et à mes désirs? Que me sert de lire tous les journaux si ensuite je me perds dans la mer d'e l'opinion publique et je ne raisonne plus selon Dieu? Que me sert d'être le maître du monde si mon cœur est gâté par l'égoïsme et la vanité? |
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